Chère Odette et cher Théodore
Je vous écris aujourd’hui pour vous exprimer toute mon admiration.
Tout d’abord parlons de toi Théodore, non seulement pour tes exploits scientifiques dans toutes les disciplines du vivant mais aussi et surtout pour célébrer ton humanisme.
Pacifique envers les humains et combattif pour la sauvegarde de ce que nous appelons aujourd’hui la bio-diversité.
Ta fine analyse du terrain, ton intégrité intellectuelle, l’empathie dont tu fais preuve sans culpabilité ou pitié (que tout savant doit avoir) t’a permis de creuser le sillon de l’essentiel.
“Il y a une certaine saveur de liberté, de simplicité… une certaine fascination de l’horizon sans limites, du trajet sans détour, des nuits sans toit, de la vie sans superflu” 1937, Théodore MONOD
Vie fascinante du solitaire qui traverse le Sahara, seulement accompagné de ses chameaux, tu es le témoin d’un autre temps et de notre temps.
Quand nous sommes sur tes pas entre ATAR et El Beyyed, et en s’enfonçant au nord/est, encore plus loin dans le Sahara, tout et rien n’a changé.
Les nomades et les campements sont toujours là, les bouts de branches enchevêtrés et les feuilles de palmier pour les murs et de hautes herbes en guise de toit.
Quelques pierres installées en demi-cercle avec une pierre centrale posée debout , pour indiquer la direction de la Mecque.
geste traditionnelle et millénaire.
Même si le nombre des nomades a fortement diminué, ils gardent leur mode de vie. Et les paysages arides entre 2 oasis sont toujours aussi exigeants pour les bêtes et les humains qui vivent là.
Leur plaisir de vivre cette vie est palpable même si l’attrait de l’ailleurs est perceptible chez les plus jeunes.
Et toi Odette, l’oubliée des grandes aventurières.
Tes contemporaines Alexandra David-Néel, Ella Maillart et Titaÿna sont passées à la postérité.
Que t’est-il arrivé ?
Toi, Odette du Puigaudeau, femme et homosexuelle, bretonne d’ouessant de surcroit, n’est pas incluse dans les réseaux du monde du voyage. Je crois que tes positions disons fluctuantes sur l’anti-colonialisme ont jeté une ombre sur ton oeuvre.
Tu es inclassable de plus : voyageuse ou scientifique ou journaliste ? Au pays de Pascal, tu n’avais pas toutes tes chances.
Mauvais caractère, isolée, on entend de tout sur toi.
Et si nous nous faisions plaisir en nous rappelant les merveilleux récits de ta vie.
Embarquées avec ta compagne Marion sur un bateau langoustier pour rejoindre la Mauritanie, vous débarquez à Port Etienne en 1934 et allez ensuite traverser la Mauritanie en suivant les pistes des puits, nus pieds, sans équipements particuliers. Vous êtes souvent regardées et classées comme des originales par les coloniaux sur place. Mais tu as l’habitude d’être marginale, n’est ce pas ?
Mauvais caractère ou indépendance d’esprit ? A voir ….
Tu es avant tout une personne libre, alors amour et respect.
“Préparer le thé est un art minutieux. Quand le bruit sec du marteau de cuivre ciselé aura retenti, que les feuilles soyeuses auront glissé dans la théière d’émail bleu, qu’avec la vapeur de l’eau bouillante une arôme délicieuse montera sous la tente, que l’officiant, d’un geste précis, de très haut pour que le thé “chante”, aura rempli les petits verres d’une liqueur ambrée, que chacun aura aspiré une gorgée brûlante, alors le thé aura atteint tous ses buts ; satisfaire l’ouïe, la vue, l’odorat et le goût, ranimer les forces du caravanier et faire de ceux qui l’ont bu ensemble, des amis”.
Vos traces. Nous les avons suivies d’Atar à Guelb er Richat par la piste nord.
Piste magnifique, des curiosités géologiques, un passage avec des cailloux tous extra plats, rectangles, on dirait du carrelage.
Un peu plus loin découverte d’une oasis charmante
Puis nous arrivons a mi-chemin de notre piste au village de Jraif,
non sans difficultés,
et nous découvrons ces habitants,
Nous avons la chance inestimable d’être invités sous la tente du Shaykh Muhammed al-Ma’mûn dont le grand père a acheté pour 200 Guinées et quelques chamelles tout le territoire de Atar à El beyyed.
Patriarche plein de sagesse, il administre et rend la justice sur son territoire.
Belle halte dans ce village pétri d’histoire.
Nous en profitons pour nous mettre sous la tente, énorme et bien ventilée!
Nous reprenons notre route et croisons quelques campements de nomade
Nous apercevons , déjà ensablé la Zaouria du Marabout Mohamed Fadel, très prospère zaouria, qui comptait beaucoup d’élèves et plus loin sur un piton, son mausolée où sont déposés tout autour comme un collier, des pierres plates de toutes tailles avec des inscriptions.
Marabou Kees en action , quelle impiété !
Et des paysages toujours différents et admirables, ici avec le roi des arbres de Mauritanie, l’acacia
Cette barre de rocher est en apesanteur…
El Beyyed, nous avons ramassé sur ce site , des pierres taillées du néolithiques, surtout des bifaces , il y en a, en veux tu en voilà…
Ismael, le gardien du musée d’archéologie (enfin une cahutte), (qui t’a croisé Théodore, te souviens tu?) a débuté, sur tes sages conseils une collection de ses découvertes et les a entreposées pour garder dans le village les pièces les plus interessantes. Il partage sa passion avec nous.
et les femmes nous escortent et font une haie d’honneur pour vendre bracelets, colliers, et vestiges.
La petite mosquée dans le sable..
Avant de vous quitter, mes chers vieux amis (non pas vous cher lecteur, je parle d’Odette et de Théodore!),nous irons dormir au plus près de vos campements dans l’œil de l’Afrique.
Au plus près mais pas à l’exacte place car un troupeau sauvage de touristes américains avec guides nous avaient précédés…